Interview : Ana Moreno Martinez ingénieure BIM au Parlement européen

Interview : Ana Moreno Martinez ingénieure BIM au Parlement européen

22 mai 2022 0 Par Master

Bonjour Ana, pourrais-tu te présenter en une ligne ? Et nous décrire quel est ton parcours de formation ?

Je m’appelle Ana Moreno Martinez, j’ai 34 ans, je suis espagnole et je travaille actuellement comme ingénieure BIM au Parlement européen à Strasbourg.

J’ai étudié l’Architecture Technique (ou Ingénierie de la construction) à l’Université en Espagne et puis j’ai fait une formation BIM (Architecture et MEP) en Angleterre.

Plus tard, je me suis formée pendant toutes les années de travail avec des cours (Navisworks, Dynamo, 4D, 5D, etc.).

Mais ma formation a été beaucoup plus pratique que théorique, j’ai travaillé avec la technologie BIM pendant 8 ans dans différentes entreprises : grandes et moyennes sociétés d’ingénierie, sociétés de mise en œuvre BIM et maintenant au Parlement Européen.

Pour commencer, notre question favorite. Quel est ton meilleur conseil pour débuter dans le BIM ?

Mon conseil pour débuter avec le BIM est de ne pas être pressé, le BIM est une technologie qui couvre de nombreux sujets et il faut apprendre petit à petit.

De plus, se spécialiser dans une partie du BIM demande aussi beaucoup de temps et d’expérience qui s’acquièrent au cours d’années de travail.

Peux-tu nous présenter ta rencontre avec le BIM ? Et comment en es tu venue à croire en cette “technologie” ?

Quand j’ai terminé l’université il y a dix ans, je suis allée en Angleterre pour apprendre l’anglais parce que je ne trouvais pas de travail. Les anglais ont toujours été très en avance avec le BIM et on commençait à entendre que les entreprises mettaient en place une nouvelle technologie, alors j’ai fait une formation là-bas.

Quand je suis retournée travailler en Espagne, il n’y avait pas beaucoup de personnes formées au BIM donc j’ai trouvé un emploi comme modeleuse. Heureusement, j’ai travaillé avec des gens qui maîtrisaient bien le BIM et m’ont beaucoup appris.

Au début, j’étais un peu sceptique comme tout le monde, car c’était une nouvelle façon de faire les choses et en général, personne ne croyait que ça marcherait.

J’ai vite réalisé que c’était un grand progrès parce que c’était possible d’avoir toutes les informations sur un projet en un seul endroit et cela permettait de gagner beaucoup de temps.

J’ai commencé à croire en la méthodologie quand j’ai vu à quel point il était facile de consulter les données de l’ensemble du projet dans la maquette, faire des plans et des coupes, étiqueter, etc (tout cela avant de connaître le 4D, le 5D, Dynamo, etc).

Et qu’est ce qui t’as amené jusqu’au parlement Européen ?

J’ai rencontré une personne à l’Université qui travaille actuellement au Parlement Européen et elle m’a informée qu’il y avait un poste BIM à postuler.

Je pensais que cela pourrait être une belle expérience professionnelle et personnelle pour moi, travailler en France, apprendre le français et travailler dans une institution européenne, et je ne me trompais pas !

Peux-tu nous parler des projets marquants dans lesquels tu as été impliquée ?

Le plus gros projet auquel j’ai participé était 21 stations de métro à Riyad. C’était mon premier projet et il a duré 3 ans. J’y ai appris tout ce que je sais sur Revit MEP, à travailler dans une très grande équipe et à voir la valeur du BIM.

Plus tard, j’ai travaillé sur des projets plus petits, mais non moins importants : des bâtiments résidentiels, de grands hôtels, l’aéroport du Qatar, des bâtiments de traitement des eaux, une ligne de train, etc.

Le projet sur lequel je travaille actuellement me semble très intéressant car c’est du BIM appliqué à la maintenance des bâtiments. C’est un sujet peu avancé en BIM et qui génère de nombreux challenges.

Qu’est-ce qui est le plus difficile dans ton métier ? Et surtout qu’est ce qui est le plus passionnant ?

Je pense que l’une des choses les plus difficiles est qu’il y a des moments où le BIM n’est pas très apprécié et que les gens qui ne le connaissent pas ne comprennent pas son utilité.

De plus, comme c’est quelque chose d’assez nouveau, je pense qu’il faut toujours être à jour et changer beaucoup de procédures pour s’améliorer.

Ce qui me semble le plus intéressant, c’est qu’il y a toujours quelque chose de nouveau à apprendre puisque le BIM est en développement continu.

De plus, j’aime personnellement beaucoup la modélisation et la gestion des installations.

L’openBIM et le standard IFC sont-ils très importants dans ton quotidien ?

Je pense qu’il est important d’utiliser ce type de format afin que les modèles puissent être ouverts facilement et rapidement dans n’importe quel visualiseur.

C’est également important si vous ne souhaitez pas partager toutes les informations que vous avez dans les modèles.

Je pense que cela facilite certains processus mais je ne suis pas encore entièrement convaincue de leur valeur ajoutée.

Sur quels types de projets travailles-tu au quotidien dans ton organisation ? Intégrez-vous dès le démarrage d’un projet la démarche gestion et maintenance ? Si oui, comment cela influence-t-il la conception ?

Je travaille actuellement sur la maintenance des bâtiments existants du Parlement européen à Strasbourg avec le BIM. Je participe à la modélisation de l’architecture et des installations, à la coordination MEP et à la mise en place de nouvelles procédures entre autres.

Dans mon cas, je n’avais pas intégré la gestion de la maintenance jusqu’à présent, puisque j’avais participé à des projets de construction neuve ou de rénovation dans lesquels la maintenance n’était pas l’objectif principal.

Désormais, si je devais refaire de la construction neuve, je pense qu’il serait très intéressant de penser à la maintenance aussi, car économiquement cela signifie souvent plus que la réalisation du projet lui-même.

Je pense que les espaces et les éléments du bâtiment doivent être dimensionnés en tenant compte de la maintenance (penser aux futures entrées et sorties des équipements, optimiser les espaces pour faciliter la maintenance des locaux d’installation, etc.).

Du point de vue de l’information, les éléments à maintenir doivent avoir certains paramètres qui nous permettent de suivre leur évolution.

Du point de vue des installations, mieux les systèmes sont organisés dans le modèle, plus il nous sera facile de les identifier pour la maintenance.

Qu’est ce qui se cache dans ta “toolbox” BIM ? Quels sont tes outils/logiciels favoris ?

Mon logiciel préféré est sans aucun doute Revit, je pense qu’il offre de nombreuses possibilités et c’est aussi celui avec lequel je suis la plus à l’aise.

Les outils complémentaires de Revit qui me semblent indispensables sont : Dynamo pour l’automatisation, Navisworks pour faire la détection d’interférences MEP, Presto et Cost-It pour gérer la 5D et Twinmotion ou Lumion pour les rendus.

Je pense aussi que BimCollab est très intéressant pour une collaboration très facile sur le modèle entre les modélisateurs et les autres personnes du projet.

As-tu entendu parlé du rap du BIM ?

C’est la première fois que j’entends ça, peut-être parce que je ne suis en France que depuis un an. J’ai vraiment aimé l’idée et je pense que je vais l’exporter en Espagne !

Penses-tu que ce rap dit des vérités ?

Je pense que le rap du BIM dit vraiment la vérité. Je pense qu’il y a beaucoup d’entreprises ou de personnes qui travaillent avec le BIM parce qu’elles sont obligées de le faire, et non parce qu’elles le veulent ou le peuvent vraiment.

Si vous n’êtes pas prêt à travailler avec le BIM, tout tourne au chaos, vous ne comprenez rien du tout et n’en voyez pas les avantages.

Pour profiter pleinement du BIM, il est nécessaire de le comprendre et d’adopter des processus bien pensés et organisés par des personnes expérimentées.

Que penses-tu de l’état du BIM en France ?

Je ne veux pas trop parler de l’état du BIM en France, puisque je ne travaille ici que depuis un an.

Je pense que c’est dans un état similaire à l’Espagne, donc c’est sur la bonne voie.

Je crois qu’il manque encore la dernière étape dans laquelle toutes les entreprises impliquées dans les projets ont des travailleurs ayant plus de connaissances en BIM.

Merci beaucoup Ana pour ton témoignage qui je suis sûr qu’il inspirera beaucoup de pro et futur pro du BIM !

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